LE BRENNER. 259 l'histoire. Un jour un charretier des environs, se rendant à la ville, entendit très distinctement des gémissements qui paraissaient sortir d'un fourré voisin. Il s'approcha, chercha quelque temps, et trouva étendue sur l'herbe une statuette de la Sainte Vierge. Le charretier releva la pieuse image, qui cessa aussitót ses plaintes, et l'emporta dévo- tement à Bozen. La petite Madone fut déposée dans cette chapelle, et de nombreux ex-voto témoignent de la vénération que les
fidèles de Bozen ont vouée à Notre-Dame du Gazon. lei, comme à Méran, le quartier le plus curieux, c'est la vieille ville, et la Laubengasse. Meme genre de constructions; mèmts arcades massives, basses, étroites, un peu moins noires peut-étre; mémes boutiques pareil- lement variées. C'est tout ce qui rappelle l'ancienne Florence tyrolienne, comme certains patriotes d'antan avaient prétentieusement dénommé la petite cité des bords de la Talfer. C'est qu'en réalité Bozen a été dans toute son histoire
une ville essen- tiellement marchande, à la difference de l'aristocratique Méran, l'ancienne capitale. Durant tout le moyen-age et jusqu'au siècle dernier, Bozen fut Tun des centres de commerce les plus actifs et les plus importants de l'Allemagne méridionale et du nord de l'Italie. De ces pays les trafìquants se donnaient rendez-vous ici pour échanger les fruits de leurs travaux contre les productions des chauds climats, qui y affluaient comme en un vaste entrepot. Il en était déjà ainsi du temps
des Romains, dit-on. Ce n'est pas pour cela cependant qu'ils avaient fondé Bozen. Iis n'y voulaient avoir d'abord qu'un poste avancé en-de^à des Alpes, comme Teriolis, en mème temps qu'une station militaire formant, au débouché du Brenner, téte de ligne à toutes leurs grandes voies transalpines d'Helvétie, de Rhétie et de Pannonie. L'origine de Bozen est done en somme plutót guerrière, comme celle de presque toutes les villes des Alpes. Dans la suite, la petite cité eut aussi, à ce titre, quelques heures
de célébrité : elle vit dans ses murs des armées entières ; c'est par là que passèrent la plupart des expéditions allemandes en Italie, et aussi les retraites, les déroutes qui les termi- naient souvent. Par là aussi ont passé Henri IV, de sinistre mémoire, et son glorieux adversaire saint Grégoire VII, les trois Othon, Barbe- rousse, Frédéric II et, après eux, des foules de princes et de souverains. Les riches bourgeois de Bozen ne laissèrent pas de se familiariser avec toutes ces grandeurs ; en gens